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Les rêves de retraite des Français : simplicité et proximité
Loin des clichés des retraités globe-trotters ou des « boomers nantis », la réalité est plus terre-à-terre. Selon le baromètre “Où vivre sa retraite” réalisé par l’Ifop pour Notre Temps, neuf Français sur dix veulent rester dans l’Hexagone. Leurs priorités : vivre près de leurs enfants, rester ancrés dans leur territoire et maintenir un lien social fort. Une vision de la retraite plus familiale et locale que celle souvent véhiculée dans le débat public.
La retraite se rêve « chez soi »
D’après l’enquête, 54 % des Français souhaitent passer leur retraite là où ils vivent déjà. Une préférence qui tranche avec l’image d’une génération aspirant à l’exotisme et à l’évasion permanente. En réalité, les envies sont simples : 47 % veulent vivre près de leurs enfants, 45 % près de la mer, 39 % à la campagne. Voyager fréquemment n’arrive qu’en second plan, et seuls 16 % envisagent de partager une grande maison avec des amis.
Cette aspiration traduit une recherche de stabilité et de lien familial. « Beaucoup de futurs retraités veulent vivre pleinement leur rôle de grands-parents, aider leurs enfants et rester proches de leur quotidien », souligne Marie Auffret, directrice des rédactions de Notre Temps.
Une spécificité française se dégage : contrairement à d’autres pays européens où l’expatriation des retraités est plus fréquente, la retraite est vécue en France comme « une étape de vie à accomplir chez soi, plutôt qu’une rupture », note l’étude.
Des envies qui évoluent avec l’âge et les contraintes
Si le rêve d’une maison individuelle avec jardin reste fort (75 %), il recule par rapport aux précédentes éditions du baromètre. Les plus de 75 ans se projettent davantage dans un appartement (31 %) et se montrent plus ouverts à l’habitat partagé (6 %). L’idée de la colocation intergénérationnelle ou entre seniors, longtemps marginale, commence à émerger comme une solution contre l’isolement.
Car au-delà du logement, la lutte contre l’isolement est la préoccupation centrale. « Les Français aspirent à ne pas être seuls. La lutte contre l’isolement est le grand sujet face à davantage de divorces, à des aidants familiaux plus éloignés », observe Maëlig Le Bayon, directeur général de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
Les attentes varient aussi selon l’âge : les moins de 35 ans se montrent plus enclins à envisager un départ pour « réaliser un projet », tandis que les générations plus âgées privilégient le maintien dans leur environnement.
Enfin, les retraités et futurs retraités se montrent sensibles aux services de proximité : 69 % citent la présence de commerces comme critère essentiel, devant même l’offre de soins (67 %). Une hiérarchie qui illustre combien le quotidien et le lien social pèsent dans la perception d’une retraite réussie.
Pouvoir d’achat et climat : les nouveaux facteurs de choix
Au-delà des préférences résidentielles, deux facteurs émergent avec force dans les réponses : le pouvoir d’achat et le changement climatique.
Pour 68 % des Français, le coût de la vie est un critère déterminant dans le choix du lieu de retraite. Ce chiffre grimpe à 88 % chez les moins de 35 ans et à 85 % chez les actifs en général, signe que l’anticipation financière est centrale. Dans un contexte de tensions sur la dette publique et de débats sur les niveaux de vie entre générations, ces inquiétudes sont révélatrices.
Le climat entre aussi en jeu : 57 % des Français en tiennent compte, et jusqu’à 76 % des moins de 35 ans. Les vagues de chaleur répétées et l’impact de la transition énergétique sur les conditions de vie ne laissent personne indifférent.
Enfin, l’étude souligne que les services à domicile — pourtant appelés à devenir essentiels avec le vieillissement de la population — restent encore peu identifiés (29 %). Une méconnaissance qui traduit sans doute un décalage entre la perception des besoins et la réalité de la transition démographique.
En définitive, la retraite des Français s’imagine moins comme une parenthèse hédoniste que comme une continuation de la vie familiale et sociale. « Les nouvelles générations de retraités ont souvent vu leurs enfants ou petits-enfants vivre en colocation, et sont prêtes à examiner ces solutions. Je pense que cette tendance va s’amplifier », anticipe le sociologue Serge Guérin. Entre ancrage territorial, proximité familiale et souci de préserver le lien social, la retraite en France se rêve plus sobre qu’exotique, mais sans doute plus durable.
Sources : Baromètre Ifop / Notre Temps.