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Rendement réel : ce que rapportent vraiment les placements “sans risque”
Les placements dits « sans risque » rassurent par la stabilité de leur valeur nominale. Mais cette stabilité masque souvent une réalité moins visible : sur les dernières années, leur rendement réel a été très largement amputé par l’inflation, parfois au point de devenir négatif malgré des taux affichés en hausse.
Entre 2022 et 2024, les ménages français ont subi l’un des chocs inflationnistes les plus marqués depuis les années 1980. Selon l’Insee, l’inflation moyenne annuelle s’est établie à 5,2 % en 2022, puis 4,9 % en 2023, avant de refluer autour de 2,5 % en 2024. Cette séquence a profondément modifié la lecture du rendement de l’épargne. Un placement offrant un rendement nominal de 2 % ou 3 % pouvait apparaître attractif en valeur faciale, tout en générant une perte nette de pouvoir d’achat sur plusieurs années consécutives.
En 2025, l’inflation s’est stabilisée à un niveau plus modéré, mais reste supérieure à la moyenne de la décennie précédente. Dans l’Union européenne et la zone euro, les projections montrent que l’inflation devrait continuer à baisser vers environ 2,1 % en 2025, puis se stabiliser autour de l’objectif de 2 % dans les années suivantes.
En France, l’inflation est particulièrement faible par rapport à la moyenne historique : l’INSEE indique une inflation de 0,9 % sur un an en octobre 2025, avec une inflation sous-jacente autour de 1,2 %, reflétant une forte baisse des prix de l’énergie et une croissance modérée des prix des services.
Les projections de la Banque de France pour le quatrième trimestre de 2025 montrent une inflation globale autour de 1,1 % (année glissante), avec une inflation hors énergie et alimentation à 2,0 %.
Livrets réglementés : protection partielle, rendement réel fragile
Le Livret A illustre parfaitement cette mécanique. Revalorisé progressivement pour répondre à la hausse des prix, son taux a atteint 3 % sur une grande partie de la période 2023-2024, avant de revenir à 1,7 % en août 2025 (avant une prochaine baisse prévue en février).
Mais sur ces mêmes années, l’inflation moyenne était nettement supérieure. Résultat : en rendement réel, le Livret A a protégé la liquidité et la valeur nominale du capital, sans compenser intégralement la hausse du coût de la vie.
La Banque de France rappelle que ces produits sont conçus comme des réserves de liquidité et non comme des instruments de rendement. Leur avantage fiscal, exonération d’impôt et de prélèvements sociaux, ne suffit pas à neutraliser un différentiel inflationniste durable. Sur longue période, leur rendement réel est historiquement proche de zéro, parfois négatif.
Fonds euros : une amélioration tardive
Les fonds euros d’assurance-vie ont longtemps servi des rendements très faibles, pénalisés par la longue période de taux bas. Selon France Assureurs, le rendement moyen servi est tombé autour de 1,3 % en 2021, avant de remonter progressivement avec la normalisation des taux obligataires, pour s’établir autour de 2,5 % en 2023 et poursuivre sa hausse en 2024.
Cette remontée reste toutefois partielle en rendement réel. En tenant compte de l’inflation et des prélèvements sociaux de 17,2 %, le rendement net réel des fonds euros est resté faible, parfois légèrement négatif sur la période 2022-2023. Leur rôle a davantage été celui d’un amortisseur de volatilité que d’un véritable outil de préservation du pouvoir d’achat.
Obligations et monétaire : visibilité nominale, incertitude réelle
Les placements obligataires et monétaires ont retrouvé de l’attrait avec la hausse des taux directeurs. Les rendements monétaires se sont rapprochés de ceux des livrets, tandis que certaines obligations offraient à nouveau des rendements nominaux supérieurs à 3 % ou 4 %.
Mais là encore, la Banque de France souligne que le rendement réel dépend étroitement de l’horizon de détention. Une obligation conservée jusqu’à échéance garantit un rendement nominal, mais ne protège pas contre une inflation future plus élevée que prévu. À court terme, ces supports peuvent offrir un portage attractif ; à long terme, leur efficacité réelle reste conditionnelle à l’évolution des prix.
Fiscalité : le filtre décisif
La fiscalité constitue le dernier étage du rendement réel. Le prélèvement forfaitaire unique de 30 % (incluant prélèvements sociaux) ou l’imposition progressive à l’impôt sur le revenu peuvent réduire sensiblement la performance nette. Deux placements affichant le même rendement brut peuvent ainsi produire des résultats très différents selon l’enveloppe fiscale utilisée.
La Direction générale des finances publiques rappelle que la fiscalité doit être intégrée dès l’origine dans toute comparaison de rendement. Sans cette précaution, l’épargnant surestime systématiquement la performance de ses placements prudents.
Sécurité nominale, stratégie réelle
Les placements « sans risque » restent indispensables dans un patrimoine : liquidité, visibilité, stabilité. Mais les chiffres récents rappellent une évidence souvent oubliée : la sécurité nominale ne garantit pas la sécurité réelle. Sur les dernières années, seule une partie de l’épargne prudente a permis de préserver le pouvoir d’achat.
Pour l’investisseur, la question n’est donc pas d’abandonner ces supports, mais de les repositionner correctement dans une stratégie globale, en tenant compte de leur rendement réel et de leur fonction économique.






