Bourse/Finance
GLP-1 : Les pilules minceur font exploser la Bourse
Les médicaments GLP-1, conçus à l’origine contre le diabète de type 2, se sont imposés comme la nouvelle coqueluche de Wall Street. Leur efficacité spectaculaire sur la perte de poids a propulsé leurs fabricants parmi les valeurs les plus performantes de la décennie. Mais derrière l’euphorie boursière, la volatilité guette et la scission du secteur pharmaceutique s’accentue.
Des performances dignes de la tech
Selon une étude de la plateforme d’investissement eToro, le panier des principaux producteurs de GLP-1 (Novo Nordisk, Eli Lilly, Sanofi, Teva et Hikma) affiche une progression de 106 % sur cinq ans. À titre de comparaison, les grands laboratoires pharmaceutiques non exposés à ces traitements n’ont gagné que 27 % sur la même période.
La performance des GLP-1 dépasse même celle des grands indices : le S&P 500 a progressé de 95 %, l’EuroStoxx 50 de 64 % et le FTSE 100 de 56 %. Autrement dit, investir dans les champions de la minceur a été plus rentable que miser sur les stars de la tech.
L’ascension est portée par des valeurs phares : Eli Lilly a bondi de 395 % en cinq ans, devenant l’un des grands gagnants de la décennie. Novo Nordisk, leader historique, affiche +69 %, malgré une correction de 61 % sur la dernière année. Plus contrastée, Sanofi a reculé de 7 %, tandis que Teva a doublé (+106 %).
Entre croissance explosive et volatilité accrue
La trajectoire n’est pas linéaire. Sur un an, le panier GLP-1 recule de 25 %, pénalisé par des prises de bénéfices et des annonces industrielles difficiles. Novo Nordisk a même annoncé 9 000 suppressions d’emplois en 2025, rappelant que l’euphorie boursière n’efface pas les réalités économiques et sociales.
À l’inverse, les laboratoires non-GLP-1, plus « classiques », ont affiché une progression de 22 % depuis le début de l’année et restent beaucoup plus stables. AbbVie en est l’exemple le plus frappant : +133 % sur cinq ans, sans les montagnes russes de ses concurrents. Bayer, en revanche, a perdu près de la moitié de sa valeur (-49 %).
« Eli Lilly a été le grand gagnant du boom des GLP-1, offrant l’une des performances les plus fortes parmi les grandes capitalisations de la dernière décennie », analyse Lale Akoner, stratégiste marchés mondiaux chez eToro. Mais, ajoute-t-elle, « même les leaders ne sont pas à l’abri des pressions, qu’elles soient industrielles, réglementaires ou concurrentielles ».
Cette volatilité illustre la spécificité des GLP-1 : ils se comportent moins comme des valeurs défensives de santé que comme des actions de croissance technologique, avec leur lot d’emballements et de corrections.
Un secteur pharmaceutique à deux vitesses
Pour les investisseurs, la conclusion est claire : le secteur de la santé n’est plus un bloc homogène. D’un côté, les fabricants de GLP-1 surfent sur une dynamique de forte croissance, attirant capitaux et spéculations. De l’autre, les laboratoires traditionnels offrent une stabilité rassurante, corrélée aux indices globaux.
« Les deux segments ont leur place dans un portefeuille », estime Akoner. « Mais le bon équilibre dépend de votre tolérance au risque, de votre horizon d’investissement et de votre conviction sur la durabilité des GLP-1. » La grande question reste en effet de savoir si ces traitements s’installeront durablement comme une révolution médicale et sociétale, ou s’ils ne représentent qu’une bulle passagère dans une industrie déjà mature.
À court terme, les investisseurs doivent composer avec un paradoxe : les GLP-1 ont ouvert un marché colossal, porté par l’épidémie mondiale d’obésité, mais leur avenir dépendra aussi de la capacité des laboratoires à tenir leurs marges, à faire face aux pressions politiques sur le prix des médicaments, et à gérer les effets secondaires encore à l’étude.
En Bourse comme en médecine, les GLP-1 changent la donne. En quelques années, ils ont fait basculer l’industrie pharmaceutique dans une ère de croissance disruptive. Mais la ligne de crête est étroite : le secteur oscille désormais entre la promesse d’un nouvel Eldorado et le risque d’une correction brutale.